Maurice Dommanget, L’Introduction du marxisme en France, 1969

En 1969, il existe encore assez peu de contributions francophones sur ce sujet: la manière dont effectivement Marx a été lu et a été présent dans le mouvement ouvrier en France. Et aujourd’hui encore. Une des premières contributions sur la pénétration du marxisme en France date de 1947, elle est d’Alexandre Zévaès. On trouve aussi quelques indications dans l’Histoire du socialisme européen d’Elie Halévy (quelques chapitres) en 1948, et dans la Tragédie du marxisme de Michel Collinet (quelques passages), aussi de 1948 ou encore dans Karl Marx et la Commune de Jean Bruhat, (in Cahiers du Bolchevisme, 1933) et enfin Karl Marx et le mouvement ouvrier français après la Commune d’André Ferrat, (in Cahiers du Bolchevisme, 1933). Par la suite, les différentes évolutions qu’ont pu connaître le marxisme ne s’interrrogent plus spécifiquement sur la manière dont Marx a effectivement imprégné ou non les milieux ouvriers. Cette étude de Maurice Dommanget, aussi courte soit-elle, nous permet de dresser un triste constat: Marx allait rester longtemps inconnu en France dans les milieux ouvriers.

Cette étude est découpée en 7 chapitres allant du vivant de Marx à la Troisième République. Il part du constat d’une ignorance et méconnaissance de Marx en France de son vivant. Jusqu’en 1870, Marx n’est pas connu en dehors des frontières allemandes, c’est seulement en 1872 en France qu’on trouve dans l’Exposé des Ecoles socialistes françaises de Benoît Malon un description conséquente de Marx. Conséquente, mais largement imparfaite, un Marx économiciste, un penseur qui « au nom de la Justice » fait dériver « scientifiquement l’avenir communiste » (p. 24). Même le Manifeste passa quasiment inaperçu en France jusqu’en 1871! On trouve une entrée biographique pour Karl Marx dans le Grand Dictionnaire Larousse de 1873 mentionnant le Manifeste, mais « en confondant la doctrine qui y est présentée avec le « lassallisme » » (p.26), et traitant en quatre lignes du Capital.

La première introduction véritable de Marx se fait en France par le biais des …. conservateurs parisiens de la Société internationale des Etudes pratiques d’Economie sociale en 1876. Le résumé qui allait être fait de ses idées fut immédiatement suivi dans les mêmes publications de leur critique. C’est une « pénétration à rebours » comme l’appelle Maurice Dommanget.

On pourra regretter que Maurice Dommanget répète encore la conception classique des « trois sources » (« la France est l’une des sources du marxisme », p. 33), conception sur laquelle nous reviendrons dans d’autres textes encore, et qui a pour origine notamment le livre de Kautsky, mais aussi un article de Lénine (voir ici sur les introductions à Marx).

A partir de la page 46, le livre porte sur le rapport entre Marx et la Commune. Il est assez succinct par rapport aux livres qui ont pu être écrits à ce sujet sur Marx, il en dit pourtant l’essentiel. Ce sont bien les écrits de Marx sur la Commune qui vont le faire connaître dans l’Hexagone. L’auteur se focalise ensuite sur les premiers cercles marxistes ouvriers, histoire très intéressante et assez peu documentée même jusqu’à aujourd’hui.