Archives de catégorie : Lutte de classe

Comment la lutte de classe a créé Noël

Comment la lutte de classe a créé Noël 1

Souvent présenté comme une récupération chrétienne de fêtes païennes, le Noël tel que nous le fêtons semble n’avoir qu’une longue histoire diffuse dont il serait impossible véritablement de dater le commencement. Pourtant, cette manière de le fêter est intimement liée à la naissance de notre société moderne, du capitalisme industriel, et du salariat généralisé.

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Recension : L’enquête ouvrière, Karl Marx, 1880, LitPol, 2018

L'enquête ouvrière – La Librairie belgeContrairement aux autres écrits de Marx, qu’ils soient des articles ou des livres, on ne trouvera pas explicitement ici une pensée développée finie. Ce questionnaire propose simplement des outils permettant de donner à sa vie une forme qui répond à des nécessités qui doivent encore être identifiées. Il est l’écrit de Marx le plus décentré qui soit, le plus en quête de la source d’organisation collective : il fournit une méthode pour prendre le temps de s’interroger sur sa vie et ses conditions de vie, qui sont pour l’essentiel des conditions de travail.

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Critique de l’économie politique et activité syndicale : aujourd’hui, à quoi nous sert le Capital de Marx ? – Les Utopiques n°19, 2021, par Ivan Jurkovic

Envisagé par son auteur comme « le plus redoutable missile qui ait jamais été envoyé à la tête des bourgeois » 1 le Capital est pourtant, bien plus que ses autres textes, resté dans l’ombre des marxismes populaires et de parti. Véritable flop éditorial historique, seuls quelques groupes d’ouvriers isolés s’en saisissent dès sa parution pour constituer des cercles de lecture tant l’ouvrage semble difficile et érudit 2. On se passera rapidement de sa lecture pour lui préférer des livres de « vulgarisation », comme le célèbre Abrégé du Capital de Cafiero qui, bien qu’approuvé par l’auteur rhénan, comporte de profondes lacunes. S’ensuivra l’avènement du marxisme de parti dont l’orthodoxie se passe de tout rapport sérieux et précis à Marx, et en particulier au Capital.

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Le problème de la transformation, ce « caillou dans la chaussure du marxisme », entretien avec Adolfo Rodriguez-Herrera, auteur de Travail, valeur et prix, 2021.

Adolfo Rodriguez-Herrera est actuellement professeur d’histoire de la pensée économique à l’Université du Costa Rica (UCR). En 1994, il défend sa thèse à Louvain-La-Neuve (Belgique) sur l’histoire du problème de la transformation avec dans le jury Bruce Roberts, Suzanne de Brunhoff et Jacques Gouverneur. Si Adolfo Rodriguez-Herrera envisageait initialement une thèse sur le développement dans les pays socialistes (sous la direction de Jean-Philippe Peemans), ce projet devra être abandonné, notamment en raison d’un manque patent de données.

Le livre Travail, valeur et prix. Reprise et clôture d’un débat centenaire (1885-1985) à la lumière des textes marxiens publié dans la collection l’Esprit économique de L’Harmattan en 2021 est une version remaniée de cette thèse. La partie algébrique sur les différentes corrections de la procédure de Marx a été supprimée et deux chapitres ont été ajoutés, l’un sur l’origine de la discussion chez Ricardo et l’autre sur la mesure de la valeur (le temps de travail socialement nécessaire) parce que cet aspect n’avait pas été suffisamment traité dans la littérature alors qu’il est essentiel pour comprendre la relation entre travail, valeur et prix. Si la base du texte est donc un texte de 1994, un travail substantiel a été réalisé pour aboutir à cette version. Le livre a également été publié en espagnol aux Presses universitaires de l’Université nationale du Costa Rica (EDUNA).

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Recension : Terre et capital. Pour un communisme du vivant, Paul Guillibert, éditions Amsterdam, 2021.

Terre et capital - Pour un communisme du vivant de Paul Guillibert - Grand  Format - Livre - Decitre

L’ouvrage est la thèse de philosophie (remaniée) de Paul Guillibert (université Paris-Nanterre). Dans ce livre, l’auteur entend « actualiser le projet communiste » pour l’adapter à l’urgence climatique en intégrant les non-humains dans l’équation stratégique. Pour cela, il serait nécessaire de se libérer de certains présupposés qui sont associés à la notion de communisme telle qu’elle s’est développée à partir des écrits de Marx, à l’instar du productivisme. Il s’agit pour l’auteur de transformer l’ordre existant en prenant en compte les non-humains, en intégrant les conditions environnementales de l’histoire humaine. L’auteur défend un « communisme vivant » qu’il définit à partir de L’Idéologie allemande comme un mouvement « attentif aux formes immanentes du mouvement réel d’abolition de la valeur » 1. Pour Paul Guillibert, il faut « inscrire à l’agenda du communisme la défense des ‘communs multispécifiques’ » 2. Il entend ainsi tracer une troisième voie entre l’anti-naturalisme des sciences sociales et le naturalisme naïf du retour à la terre.

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Dick Howard, Marx. Aux origines de la pensée critique, Le bien commun, 2001.

Marx : Aux origines de la pensée critique: Amazon.fr: Howard, Dick: LivresDick Howard est un professeur retraité, il est édité en France notamment dans la revue « Esprit » au sujet des USA, sur Habermas (2015), André Gorz (2014), dans la revue « Projet », dans la revue du MAUSS, et Critique. Il est notamment connu pour son livre Aux origines de la pensée politique américaine (Hachette Pluriel 2008). Il a étudié avec Paul Ricoeur à Paris, a travaillé avec Claude Lefort, Castoriadis et Habermas. On peut notamment lire cet article de lui : Lectures de Marx par la Nouvelle gauche en 1968.

L’ouvrage propose un retour au « Marx philosophe », sa critique de l’économie politique aurait en effet été la brèche dans laquelle a pu se glisser le totalitarisme. Cette idée est un lieu commun bien erroné, qui sous-tend en général les entreprises théoriques ayant pour ambition de retrouver la philosophie de Marx, autrement dit, de le vider de son contenu politique révolutionnaire. L’auteur reconnaît dans l’introduction sa dette à l’égard de Castoriadis et Lefort, présence que nous retrouvons dans un discours constant sur « le » politique, assez peu voire pas du tout défini, et surtout dans le chapitre conclusif : « Critique, utopie et politique démocratique ».

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Michael Heinrich, Valeur, fétichisme et domination impersonnelle, transcription de conférence

Le site cominsitu.wordpress réunit quelques vidéos de conférences disponibles de Michael Heinrich ici. Ces vidéos en anglais feront l’objet de résumés en français pour en faciliter l’accès.

Voici un résumé de la première: Michael Heinrich: Value, fetishism and impersonal domination.

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Notes de lecture par Paul Raekstad de Dan Swain, None So Fit to Break the Chains: Marx’s Ethics of Self-Emancipation (20 septembre 2020)

Notes de lecture par Paul Raekstad de Dan Swain, None So Fit to Break the Chains: Marx’s Ethics of Self-Emancipation (20 septembre 2020)

Leiden, Brill, 2019. 224pp., €110.00 hb.
ISBN 9789004315778

Publié sur Marx Philosophy Review of Books

Marx famously proclaimed that ‘the emancipation of the working classes must be conquered by the working classes themselves’ (Marx & Engels, 1955, p. 288), yet few thinkers go on to explore what that involves in detail. Dan Swain’s new book is an exception to this trend. Consistently clear and impressively wide-ranging, it offers an excellent resource for Marxists who take self-emancipation seriously.

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Maximilien Rubel : Marx théoricien de l’anarchisme

Maximilien Rubel : Marx théoricien de l’anarchisme

Cet essai paru en 1973 condense la thèse qui traverse l’ensemble de l’oeuvre de Maximilien Rubel, grand éditeur de Marx aux côtés notamment de Louis Janover pour la collection de La Pléiade. Il s’agit pour Rubel de donner les éléments permettant de rendre Marx encore efficient aujourd’hui.

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Classe, lutte de classe et déterminisme historique, Michael Heinrich

Extrait du livre de Michael Heinrich, Kritik der politischen Ökonomie. Eine Einführung (Critique de l’économie politique. Une introduction), chapitre 10.3. Le chapitre 10 dont cet extrait est la troisième et dernière partie, s’appelle Le fétichisme des rapports bourgeois. Traduction inédite. 

De nombreux courants du marxisme traditionnel ont compris l’analyse de Marx comme étant avant tout une analyse de classe et de la lutte entre bourgeoisie et prolétariat. Pour la majorité des conservateurs et des libéraux aujourd’hui, les concepts de « classe » et en particulier celui de « lutte de classes » sont « idéologiques », ce qui ne veut rien dire de plus que « non-scientifiques ». En règle générale, c’est surtout à gauche que l’on utilise ces concepts. Il est important de rappeler tout d’abord que le « discours de classe » n’est en aucun cas spécifique à la contribution de Marx. Déjà avant lui, les historiens bourgeois parlaient de classes et de lutte de classes, et David Ricardo, le plus important représentant de l’économie politique classique, avait même dégagé que les trois grandes classes des sociétés capitalistes (capitalistes, propriétaires fonciers et travailleurs) avaient des intérêts fondamentalement opposés.

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David Ricardo, Karl Marx et l’antagonisme nécessaire des intérêts de classe, Mathieu-Joffre Lainé [THESE]

Résultat de recherche d'images pour "david ricardo"David Ricardo, Karl Marx et l’antagonisme nécessaire des intérêts de classe, Mathieu-Joffre Lainé, 2017

La théorie de la valeur-travail élaborée par l’économiste anglais David Ricardo (1772-1823) a rapidement été mise à profit par les théoriciens socialistes afin de démontrer l’iniquité du salariat et pour donner une base à un système socialiste de production et d’échange ; Karl Marx (1818-1883) l’a subséquemment développée à titre d’explication de l’ensemble du processus de la production capitaliste, il en a fait le principe de la lutte des classes. Rédigée dans une perspective contextualiste, cette thèse vise donc à démontrer minutieusement, par la théorie et par l’histoire à la fois, que Marx emploie intentionnellement la théorie économique ricardienne dans le Capital afin de convaincre son premier public, principalement composé des membres de l’école historique d’économie politique allemande (« Historische Schule der Nationalökonomie »), de l’antagonisme nécessaire des intérêts de classes.

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Capitalisme vs. Etat ? Du « changement » selon la gauche anticapitaliste, Michael Heinrich, 2011

Résultat de recherche d'images pour "arbeiterräte marxismus"Capitalisme vs. Etat ? Du «changement» selon la gauche anticapitaliste

par Michael Heinrich, 2011

Publié sur le site palim-psao.

En Allemagne, Die Linke1 a mis en débat son projet de programme2 de gouvernement, dont l’adoption officielle est prévue à l’automne 2011, en vue des élections législatives de 2013. Dans cet article3, Michael Heinrich4 aborde la question des rapports entre capitalisme et Etat et se demande si le « changement » annoncé par Die Linke est davantage qu’un slogan creux. Au fil des notes de bas de page, nous nous pencherons en parallèle sur les programmes affichés, dans la perspective de 2012, par les principales formations françaises se revendiquant de l’anticapitalisme, que ce soit explicitement (Nouveau parti anticapitaliste5, Parti ouvrier indépendant6, Lutte ouvrière7) ou du bout des lèvres (Front de gauche8).

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Marche ou grève – Episode 1 [FRANCE CULTURE]

59 minutes

Une brève histoire de la grève, une introduction intéressante.

« Illégal puis toléré à partir de 1864, le droit des travailleurs n’est reconnu et garanti qu’à partir de 1946. Cesser le travail pour revendiquer son amélioration : une pratique qui va s’institutionnaliser et se banaliser progressivement, modifiant le visage de la grève et des grévistes. »

 

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« “Gilets jaunes” : et maintenant ? Et après ? » : les « Gilets jaunes » vus d’Allemagne

« “Gilets jaunes” : et maintenant ? Et après ? » : les « Gilets jaunes » vus d’Allemagne

« “Gilets jaunes” : et maintenant ? Et après ? », un article de la revue « Wildcat » n°103 (hiver 2018-2019).

Le 26 janvier a eu lieu le « 11e Acte » du mouvement qui se réunit dans les rues de France – jusqu’à 2 000 en­droits différents au même moment – depuis le 17 novembre 2018. Ont lieu en plus le blocage des ronds-points omniprésents sur les routes françaises, quoiqu’on ne puisse pas exactement parler de blocages, mais plutôt de lieux de rencontre, le trafic est seulement ralenti. Leur signe de reconnaissance est le gilet autoréfléchissant jaune que tout conducteur doit obligatoirement avoir dans son véhicule.

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Chine : les ouvriers en grève de l’usine Jasic à Shenzhen soutenus par un large mouvement de solidarité

Chine : les ouvriers en grève de l’usine Jasic à Shenzhen soutenus par un large mouvement de solidarité

Article paru dans Echanges n° 165 (automne 2019) est traduit de la revue allemande Wildcat n° 102 (automne 2018)

L’après-midi du 21 juillet [2018], tout juste après la libération des travail­leurs et ­travail­leuses qui avaient été arrêtés la veille, Mi Jiuping déclarait : « …Nous n’avons pas dit notre dernier mot. Parce que nous qui souhaitons fonder un syndicat avons été tabassés, diffamés, victimes de représailles, harcelés par des hommes de main, chassés, et que rien de tout ça n’est condamné. Nous continuerons à être offensifs et unis dans notre lutte contre ces attaques, et nous espérons que nous aurons toujours plus d’amis et de frères et sœurs travailleurs qui exprimeront leur soutien, notamment sur Internet. »

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De chaque côté du Rhin, naissance et mort d’éphémères « républiques socialistes »

Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, co-fondateurs de la Ligue spartakiste, assassinés à Berlin le 15 janvier 1919, à la fin d'une « semaine sanglante » qui allait devenir l'un des stigmates de la République de Weimar

De chaque côté du Rhin, naissance et mort d’éphémères « républiques socialistes »

Emission radio sur La Marche de l’histoire (France culture).

De Kiel à Berlin, du mouvement spartakiste à la République des Conseils de Bavière en passant, outre-Rhin, par la République d’Alsace-Lorraine, 1919 marque aussi la naissance d’éphémères républiques ouvrières, qui empruntent au modèle de la révolution soviétique et seront réprimées dans le sang.

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Une sélection bibliographique sur la Révolution allemande (La Sorbonne)

La révolution allemande de 1918 – 1919. Une bibliographie.

Le 15 janvier 1919 Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht étaient assassinés à Berlin marquant la fin du processus révolutionnaire engagé en Allemagne en octobre 1918. C’est l’occasion, à un siècle de distance, de se replonger dans l’évènement à partir d’une sélection d’ouvrages présents dans les fonds de la BIS.

Le mouvement des Conseils ouvriers en Allemagne (1919-1935)

Le mouvement des Conseils ouvriers en Allemagne (1919-1935), par Henk Canne-Meijer (lien vers sa biographie)

 

 

LA REVOLUTION ÉCLATE

En novembre 1918, le front allemand s’effondra. Les soldats désertèrent par milliers. Toute la machine de guerre craquait. Néanmoins, à Kiel, les officiers de la flotte décidèrent de livrer une dernière bataille : pour sauver l’honneur. Alors, les marins refusèrent de servir. Ce n’était pas leur premier soulèvement, mais les tentatives précédentes avaient été réprimées par les balles et les bonnes paroles. Cette fois-ci, il n’y avait plus d’obstacle immédiat ; le drapeau rouge monta sur un navire de guerre, puis sur les autres. Les marins élurent des délégués qui formèrent un Conseil.

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Classe, lutte de classe et déterminisme historique, Michael Heinrich

Classe, lutte de classe et déterminisme historique Michael Heinrich

Extrait du livre de Michael Heinrich, Kritik der politischen Ökonomie. Eine Einführung (Critique de l’économie politique. Une introduction), chapitre 10.3. Le chapitre 10 dont cet extrait est la troisième et dernière partie, s’appelle Le fétichisme des rapports bourgeois.

 

De nombreux courants du marxisme traditionnel ont compris l’analyse de Marx comme étant avant tout une analyse de classe et de la lutte entre bourgeoisie et prolétariat. Pour la majorité des conservateurs et des libéraux aujourd’hui, les concepts de « classe » et en particulier celui de « lutte de classes » sont « idéologiques », ce qui ne veut rien dire de plus que « non-scientifiques ». En règle générale, c’est surtout à gauche que l’on utilise ces concepts. Il est important de rappeler tout d’abord que le « discours de classe » n’est en aucun cas spécifique à la contribution de Marx. Déjà avant lui, les historiens bourgeois parlaient de classes et de lutte de classes, et David Ricardo, le plus important représentant de l’économie politique classique, avait même dégagé que les trois grandes classes des sociétés capitalistes (capitalistes, propriétaires fonciers et travailleurs) avaient des intérêts fondamentalement opposés.

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