Maximilien Rubel : Marx théoricien de l’anarchisme
Cet essai paru en 1973 condense la thèse qui traverse l’ensemble de l’oeuvre de Maximilien Rubel, grand éditeur de Marx aux côtés notamment de Louis Janover pour la collection de La Pléiade. Il s’agit pour Rubel de donner les éléments permettant de rendre Marx encore efficient aujourd’hui.
Il constate que le communisme ou le socialisme sont trop marqués par l’histoire, où ces termes ont été utilisés pour « justifier moralement un des plus puissants modèles de société de domination et d’exploitation que l’histoire ait connu » (p. 19). Et seul « l’anarchisme a le moins souffert de cette perversion ». C’est donc un intérêt pratique qui est sous-jacent au geste de Rubel, celui rendre à nouveau efficiente la théorie marxienne. Il considère non pas que Marx est un anarchiste utopique, et il précise bien le rapport critique de Marx à Proudhon, mais qu’il a enrichi cet anarchisme de « la compréhension dialectique du mouvement ouvrier perçu comme autolibération éthique englobant l’humanité toute entière » (p. 20). Voici la thèse de Rubel résumée en une phrase.
Ce qui fait de Marx un véritable théoricien de l’anarchisme, c’est surtout sa critique de l’Etat, une des formes de domination les plus directement visée par les « discours anarchistes ». Le fait que Marx soit parti, et ce, depuis la Question juive, d’une problématique touchant à la nature de l’Etat, et qu’il ait conçu le plan du Capital avec le fameux livre sur l’Etat qui ne verra jamais le jour, sont des éléments centraux permettant à Rubel de soutenir sa thèse.
Ce court essai est incontournable dans l’histoire du marxisme en France. Il pourra nous préparer à lecture des articles de Rubel et Janover qui vont paraître en plusieurs volumes aux éditions Smolny, sous le titre « Lexique Marx ». En particulier le premier volume de ce Lexique réunissant deux articles, « Etat » et « Anarchisme » où nous trouverons justement ce qui manque dans ce court essai : l’ensemble des références dans le corpus marxien soutenant la thèse de Rubel.