« Pour lire Marx », ainsi pourrait être brièvement défini, et non sans une pointe d’ésotérisme, le projet de Maximilien Rubel, éditeur de Marx.. » Voici comment l’article commence, pour revenir sur l’ensemble du projet de publication de Rubel, ses limites et ses mérites.
Archives de catégorie : Histoire de l’édition de M/E
Les premiers éditeurs de Marx et Engels en France (1880-1901), par Jacqueline Cahen
L’étude des premiers éditeurs des traductions de Marx et d’Engels contribue à celle de la réception de leurs œuvres, en un temps où commence l’édification d’un marxisme politique français – un processus qui n’est pas sans échos dans les milieux intellectuels. Mais on a là également des éléments qui intéressent l’histoire de l’édition, sur les rapports des éditeurs avec les idées et les organisations politiques. Alors que le militantisme socialiste prime chez les petits éditeurs, à la situation précaire, des années 1880, la publication des textes de Marx et d’Engels est assurée à la fin du siècle par des éditeurs universitaires reconnus qui sont aussi des pionniers dans l’édition des sciences sociales. En inscrivant les ouvrages des deux théoriciens socialistes sous la rubrique « sociologie » de leurs catalogues, ils encouragent leur reconnaissance académique. Tandis que, derrière la vive concurrence qui oppose ces éditeurs pour la parution de Marx et d’Engels, se dessine la lutte idéologique des divers réseaux militants auprès desquels s’engagent ces maisons.
La nouvelle édition du livre II du Capital par la GEME
Les éditions sociales ont fait paraître en février 2024 une nouvelle traduction du livre II du Capital. Ce livre comporte une histoire complexe, dans son élaboration, son niveau d’analyse et sa réception que cette nouvelle édition permet de saisir.
Maximilien Rubel – La première édition du Capital. Note sur sa diffusion (1968)
Dans cet article de 1968 paru dans la Revue historique, Maximilien Rubel retrace l’histoire de la parution et de l’édition du Capital, et cherche à trouver des raisons plausibles à son échec éditorial. Il nous permet notamment de comprendre comment Marx était perçu à son époque et en quoi cela a pesé sur la diffusion d’un ouvrage, qui en plus de cela, pose des difficultés de lecture certaines. Fin connaisseur de Marx, Rubel nous ouvre délicatement la porte d’une situation historique et politique qui n’a ni vu passer ni senti exploser le missile que le Capital aurait dû être…
Recension : Kohei Saïto, La nature contre le capital. L’écologie de Marx dans sa critique inachevée du capital (Syllepse & Page 2, 2021).
Introduction
Ce livre se présente comme une réponse à la vague de littérature sur l’écologie chez Marx qui a déferlé depuis la fin des années 1990. L’objectif de toute contribution sur l’œuvre de Marx portant sur cette question spécifique consiste à déconstruire l’idée selon laquelle Marx serait productiviste, cultiverait un fétichisme des forces productives, ou bien encore serait « prométhéen » au sens où il aurait « une foi inébranlable dans le progrès allant jusqu’à penser qu’avec le développement de la technologie, l’être humain serait en mesure de manipuler le monde avec de plus en plus d’efficacité et de plus en plus à sa convenance » 1.
Cependant il s’agit aujourd’hui aussi de répondre aux contributions qui se sont justement données pour tâche de déconstruire cette idée, et Kohei Saïto estime que leur point commun est qu’elles cherchent à révéler la nature écologique de la critique marxienne du capitalisme en s’appuyant sur des passages isolés dans l’œuvre de Marx, et donc donnent ainsi l’impression « que celui-ci ne s’occupait de cette thématique que sporadiquement, et non systématiquement » 2. Il s’agit également de répondre à l’idée répandue maintenant dans les recherches marxologiques – et initiée par Alfred Schmidt dans son étude sur le concept de nature chez Marx – que ce dernier aurait simplement repris la théorie du métabolisme de Moleschott 3, ou encore subit l’influence de Ludwig Büchner 4.
Maximilien Rubel, éditeur de Marx dans la Bibliothèque de la Pléiade (1955-1968), Aude Le Moullec-Rieu, 2015
Une position de thèse passionnante, qui interroge cette étrange situation de l’édition de Marx et Engels en France au travers d’une analyse de l’histoire de l’édition de ses oeuvres dans la collection de La Pléiade chez Gallimard sous la direction de Maximilien Rubel.
« La France, contrairement aux pays de langues russe, allemande, anglaise et italienne, ne dispose pas d’édition de référence des écrits de Marx et Engels. Ces derniers souffrent en français d’une grande dispersion éditoriale : les textes les plus emblématiques existent dans plusieurs traductions concurrentes, quand d’autres ne sont plus disponibles. Bien qu’inachevée, c’est l’édition des Œuvres de Marx dans la Bibliothèque de la Pléiade, établie par Maximilien Rubel et publiée de 1963 à 1994, qui offre le corpus le plus riche d’écrits de Marx en français, dans une édition et une traduction unifiées.
Le communisme de la traduction : Karl Marx: Notes sur James Mill, Alain Patrick Olivier, 2019.
Dans ce texte introductif à la traduction des notes de Marx en 1843 sur le livre Eléments d’économie politique de James Mill, Alain Patrick Olivier revient sur les enjeux qui entourent la traduction de Marx. Il s’agit ici d’un problème bien spécifique: ce sont des notes prises en allemand sur le livre de Mill traduit en français. C’est un court essai de traduction qui, comme l’auteur le relève, « qui soulève des problèmes de traduction plutôt qu’il ne les résout ». Très instructif.
Paru dans La mer gelée, Le nouvel Attila, 2019, Numéro Or/Nummer Gold, pp.98-107.
Engels, éditeur du Capital (Rubel, 1968)
Extrait de l’introduction au tome II des Œuvres de K. Marx dans la Pléiade
Marx n’a pas laissé de testament écrit. Il semble qu’à l’approche de sa fin, il ait donné à sa fille cadette des instructions orales et désigné Eleanor et Engels comme « exécuteurs testamentaires ». On a déjà vu quel stimulant intellectuel Engels savait être pour son ami. Marx avait pu l’apprécier aussi comme juge littéraire. C’est Engels qui, lisant les épreuves du Livre I, avait réclamé plus d’exemples historiques à l’appui des résultats dialectiques, critiqué sévèrement la composition du volume, ses divisions et subdivisions, la disproportion des chapitres, etc. 1. Marx avait toutes raisons de s’en remettre à lui.
Les oeuvres de Marx et Engels en anglais (Marx Engels Collected Works)
Vous trouverez aux liens suivants les volumes des oeuvres de Marx et Engels en anglais. A noter que nombreuses sont leurs publications dont la langue originale était l’anglais. Pour plus de précision, il est donc parfois plus approprié de se référer aux Marx Engels Collected Works (MECW) plutôt qu’aux MEW, qui en présentent donc une traduction.
Ouvrages sur le contexte historique des œuvres de Marx et d’Engels
Divers ouvrages peuvent se révéler pratiques pour resituer Marx et Engels dans le contexte historique et politique de leur époque. Il ne s’agit pas de réduire ce qu’ils ont écrit, comme cela est parfois fait, à une intervention complètement déterminée par leur contexte historique, mais bien de donner des clés de compréhension historiques, autant de leur production, que de cette époque décisive qu’a pu être la naissance du monde moderne capitaliste.
Sur la traduction en français du Capital
La traduction en France du Capital a connu une histoire assez singulière. Marx lui-même a relu cette traduction, disposant de connaissances suffisantes en français, il a pu rectifier les contresens les plus manifestes que Joseph Roy avait fait. Pourtant, tout aussi bon connaisseur du français qu’il ait pu être, la traduction est une discipline littéraire qui entre temps s’est affinée, et améliorée, si bien qu’il a été rapidement évident que, d’un point de vue traductologique, cette traduction souffrait de profondes insuffisances. Elle est cependant encore largement utilisée et répandue comme édition de référence. De nombreux auteurs l’ont pris comme référence, comme Guy Debord, les invitant à des lectures de Marx s’éloignant considérablement de l’intention initiale, qu’il est possible de voir résumée dans le sous-titre: critique de l’économie politique.
Carlo Cafiero: Abrégé du Capital de Marx, 1878
En 1871, étant retourné en Italie, Carlo Cafiero devient membre de la Section internationale de Naples et est chargé de la correspondance avec le Conseil général de Londres, et commence un échange régulier de lettres avec Friedrich Engels, alors secrétaire du Conseil général pour l’Italie et l’Espagne. Il prend le parti de Bakounine dans les conflits internes de l’AIT. Suite à l’organisation d’un mouvement insurrectionnel en Italie en 1877, il est envoyé en prison avec ses camarades. C’est là, pendant l’hiver 1877-1878, qu’il entreprend la rédaction d’une version abrégée du Capital pour ses camarades en Italie, alors que personne ne l’a encore lu, le texte n’étant pas traduit en italien.
Lettres sur le Capital, Editions sociales, 1964.
Une sélection de lettres essentielle pour accompagner sa lecture du Capital. Elles permettent de comprendre les intentions, le contexte de production de l’oeuvre, de l’évolution de son élaboration, mais aussi de son édition. A retrouver ici:
Karl Marx et Friedrich Engels – Lettres sur le Capital (1964, éditions sociales)
Miguel Abensour, Pour lire Marx, 1970
Dans ce texte paru en 1970, Miguel Abensour revient sur la spécificité de la contribution de Maximilien Rubel dans l’édition et la traduction des oeuvres de Karl Marx. Il est essentiel pour comprendre le geste théorique et politique de Maximilien Rubel.
A lire ici.
« Mega-Mega » : le combat continue – Thomas Marxhausen , 2006
Texte paru dans la revue Nouvelles fondationS qui retrace l’histoire et les enjeux qui entourent cette publication.
La publication de tous les projets, œuvres, extraits, correspondance et autres témoignages légués par Karl Marx et Friedrich Engels dans une édition commune Marx-Engels (MEGA) a une longue histoire, qui est loin d’être terminée.
On distingue entre la « première » MEGA (MEGA I) qui, commencée en Union soviétique dans les années 20, fut interrompue à la décennie 30, et la « deuxième », (MEGA II), dont les premiers volumes sont parus en 1975. Cette dernière édition a été poursuivie après 1990, sur la base d’une autonomie dirigée et de principes éditoriaux modifiés; il convient donc de se demander si l’édition commune des œuvres complètes peut encore avoir le sigle « MEGA ». Continuer la lecture
Le Capital Livre 1 – traduction Joseph Roy/Karl Marx
Cette version du Capital éditée à de nombreuses reprises, a été la première à être disponible en France. Elle a été rééditée en 1975 par les Editions sociales pour la présente version. La qualité de la traduction n’est pas très grande: comme quoi même la participation directe de l’auteur n’est pas une garantie pour sa qualité. En effet, les connaissances de Marx en français aussi bonnes qu’elles aient pu être, n’étaient pas suffisantes pour rendre dans cette langue ce qu’il entendait dire en allemand. La traductologie se développant, les lacunes de cette traduction sont devenues évidentes et ne sont plus controversées.
Il n’en reste pas moins que ce texte a l’intérêt d’être la dernière version du Capital que Marx a personnellement retravaillée. A ce titre, certaines précisions qui s’y trouvent sont parfois d’un grand intérêt, notamment en ce qui concerne les ajouts sur le travail abstrait. L’étude serrée du texte marxien gagne toujours à comparer les différentes versions du texte et ses évolutions.
Voici le lien vers le pdf – image (page 1 – 195)
Sommaire de la MEGA2
L’édition MEGA2 est la collection la plus complète des travaux de Marx et Engels publiée en allemand aujourd’hui. Le projet de publier les œuvres complètes des deux philosophes dans leur langue natale devrait ainsi demander plus de 120 volumes. La publication s’organise en quatre sections : ouvrages et articles (Werke, Artikel, Entwürfe), Le Capital (« Das Kapital » und Vorarbeiten), correspondance (Briefwechsel) et notes marginales (Exzerpte, Notizen, Marginalien). Seule la deuxième section est entièrement publiée. Les volumes futurs des troisièmes et quatrièmes sections sont seulement disponibles en numérique.
L’édition de référence utilisée le plus couramment reste tout de même encore les Marx-Engels Werke (MEW), on en vient de plus en plus à un référencement croisé, vu la grande qualité du travail effectué par les équipes de la MEGA.
Les premiers éditeurs de Marx et Engels en France (1880-1901), Jacqueline Cahen, 2011
Article paru dans les Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 114 | 2011, 20-37.
Qui sont les premiers éditeurs des traductions françaises de Marx et Engels ? Quels sont ces hommes qui, dans le dernier tiers du xixe siècle, vont ainsi permettre que commencent à circuler leurs œuvres et que se répandent leurs idées à travers ce média spécifique qu’est le livre ? La question pourrait sembler, à première vue, presque anecdotique tant il est vrai que – l’édition du Capital par Maurice Lachâtre en 1875 faisant figure d’exception – aucun ouvrage des deux fondateurs de la doctrine n’est publié avant 1880, et que l’on n’en compte que six (dont deux sont des popularisations du Capital) entre 1880 et 1894. Mais la situation change alors brusquement, avec l’entrée en lice d’éditeurs universitaires. De sorte que l’on assiste en revanche, au tournant du siècle, à une véritable floraison de titres.
Une troisième MEGA? Entretien avec Jacques Grandjonc, 1993
Professeur de civilisation allemande à l’Université de Lyon puis à celle d’Aix-Marseille, Jacques Grandjonc (1933-2000) explora en archiviste, historien, démographe et philologue l’émigration allemande au XIXe siècle. Il présenta dans le Dictionnaire de Maitron et, surtout, dans Marx et les communistes allemands à Paris la vie de ces proscrits qui, entre la Ruhr, Bruxelles, Paris et Londres, mangèrent le « pain amer de l’exil ». Il dirigea également des travaux sur l’internement d’Allemands et d’Autrichiens avant et pendant la Seconde Guerre mondiale (Zone d’ombres, 1933-1944). Au début des années 1990, il fut, avec l’aide de l’Institut d’histoire sociale d’Amsterdam et de la Maison Karl-Marx de Trèves, le principal artisan de la reprise, sous de nouveaux critères — non politiques —, de l’édition des œuvres complètes de Marx et d’Engels (MEGA). Dans cet entretien édité en 1993, Jacques Grandjonc retrace les enjeux historiques et politiques qui ont traversé l’histoire des éditions complètes de Marx et Engels.