Préface de « Essais sur la théorie de la valeur de Marx » d’Isaac Roubine, par Antoine Artous

Amazon.fr - Essais sur la théorie de la valeur de Marx - Roubine ...Le texte ci-dessous constitue la préface d’un ouvrage récent très intéressant réédité par les Editions Syllepse : Essais sur la théorie de la valeur de Marx (d’Isaac Roubine).

Introduction

Durant les années 1920, écrit Jean-Marie Vincent dans Un autre Marx (2001), Isaak Roubine est le premier depuis la mort de Marx à donner « une formulation rigoureuse à la théorie (marxienne) de la valeur par opposition à la théorie de la valeur-travail communément accepté par les marxistes1 » ; notamment par son articulation avec la thématique du fétichisme de la marchandise. Alors qu’elle est pourtant exposée dans le chapitre 1 du livre 1 du Capital traitant de la valeur, elle est généralement présentée comme une simple « digression littéraire et culturelle qui accompagne ce texte fondamental », écrit l’économiste russe dans Essais sur la théorie de la valeur de Marx.

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Classe, lutte de classe et déterminisme historique, Michael Heinrich

Extrait du livre de Michael Heinrich, Kritik der politischen Ökonomie. Eine Einführung (Critique de l’économie politique. Une introduction), chapitre 10.3. Le chapitre 10 dont cet extrait est la troisième et dernière partie, s’appelle Le fétichisme des rapports bourgeois. Traduction inédite. 

De nombreux courants du marxisme traditionnel ont compris l’analyse de Marx comme étant avant tout une analyse de classe et de la lutte entre bourgeoisie et prolétariat. Pour la majorité des conservateurs et des libéraux aujourd’hui, les concepts de « classe » et en particulier celui de « lutte de classes » sont « idéologiques », ce qui ne veut rien dire de plus que « non-scientifiques ». En règle générale, c’est surtout à gauche que l’on utilise ces concepts. Il est important de rappeler tout d’abord que le « discours de classe » n’est en aucun cas spécifique à la contribution de Marx. Déjà avant lui, les historiens bourgeois parlaient de classes et de lutte de classes, et David Ricardo, le plus important représentant de l’économie politique classique, avait même dégagé que les trois grandes classes des sociétés capitalistes (capitalistes, propriétaires fonciers et travailleurs) avaient des intérêts fondamentalement opposés.

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New readings and new texts: Marx’s Capital after MEGA2, Michael Heinrich, 2017, [VIDEO] [ENG]

New readings and new texts: Marx’s Capital after MEGA2 [ENG]

Dans cette conférence, Michael Heinrich présente le travail de la MEGA2 et les avancées que représente les nouvelles parutions. Il inscrit alors sa recherche dans la tradition de la Neue Marx Lektüre et précise en quoi il se distingue de cette école de lecture de Marx, notamment la question de la possibilité de la « reconstitution » de l’oeuvre de Marx, qu’il estime, lui, impossible et donc à ne pas garder comme telos dans notre lecture de Marx. Il explicite la nécessité de penser à nouveau l’utopie aujourd’hui.

 

Pourquoi revenir à Marx?, extrait de Critique de l’économie politique, Une introduction, Michael Heinrich

Pourquoi revenir à Marx? Michael Heinrich

La contestation sociale renaît. Les mouvements contestataires apparus lors des dernières décennies sont très diversifiés et sont, pour la plupart, critiques de la mondialisation. Les échanges lors du contre sommet de Seattle en 1999 ou encore de celui du G8 à Gênes en 2001 sont d’ores et déjà devenus les symboles du renouveau de la résistance contre le capitalisme. Cependant, c’est à présent aussi au-delà du cercle traditionnel de la gauche que les conséquences destructrices d’un capitalisme « débridé » sont discutées.

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Ambivalences: Présentation de La science de la valeur, 2020

Ambivalences: Présentation de La science de la valeur

Dans La science de la valeur, Michael Heinrich retrace l’évolution de l’œuvre de Marx dans le cadre d’analyse du développement historique des sciences, la resituant ainsi par rapport à la science économique que ce dernier entend critiquer. Partant des concepts de « paradigme » (au sens de Kuhn) et de « méthodologie des programmes de recherche » (Lakatos), il propose celui de « champ théorique » afin de rendre compte de la nature de la geste marxienne pour l’économie. Ceci permet à Michael Heinrich d’appréhender le discours scientifique au niveau des suppositions implicites qui conditionnent la structure et la conceptualisation de son objet. Il met ainsi en évidence que le corpus marxien représente, avec ses phases d’évolution, une révolution épistémologique qui porte en elle de nouveaux concepts de science et de réalité. Et Marx opère une telle révolution en ce qu’il ne critique pas des théories isolées, mais bien la science économique dans son ensemble.

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Une introduction à la théorie de la valeur de Marx, Charles Lugiery, 2017

Conséquences -Une introduction à la théorie de la valeur de Marx

Paru sur dndf

4 novembre 2017

Nous publions la présentation parue sur facebook d’une réunion tenue le 2 novembre dernier à Paris dans le cadre “Conséquences”

Abolir l’économie, une introduction à la théorie de la valeur de Marx

Il s’agira d’abord pour nous de proposer une introduction à la théorie marxienne de la valeur. Fruit d’un travail de plusieurs décennies dont un nombre extrêmement important de manuscrits en sont les témoins, la théorie marxienne de la valeur se présente sous sa forme définitive dans Le Capital.

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Le dernier Marx et le Capital, Michael Krätke

Texte de Michael R. Krätke paru dans Actuel Marx, No 37, premier semestre 2005, pp. 145 – 160, rédigé à l’occasion du 4e congrès International Marx à l’université Paris-Nanterre, 1er octobre 2004.

Selon une représentation populaire dont témoignent maintes biographies, Marx, sur ses vieux jours, ayant perdu toute capacité de travail, était en proie au désespoir. A ses plus proches amis, comme Engels, il disait faire des progrès, avancer dans son grand projet. De temps à autre, il annonçait que le Livre II du Capital serait bientôt prêt. En fait, il leur cachait le véritable état de ses manuscrits inachevés. Il était, il est vrai, presque constamment perturbé par la maladie. Et, en outre, souvent pris par des tâches politiques, celles du Conseil Général de l’Association Internationale des Travailleurs, la Première Internationale. D’un autre côté pourtant, après 1870, il n’avait plus les mêmes tracas financiers qui l’avaient hanté pendant plus de vingt années.

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Marx et le « marxisme »

Résultat de recherche d'images pour "marxismes"Marx et le « marxisme »

Extrait de Critique de l’économie politique, une introduction, traduit par I.J.

Karl Marx (1818-1883) est né à Trèves dans une famille de la petite bourgeoisie intellectuelle, son père était avocat. Marx étudia le droit à Bonn et Berlin, mais surtout la philosophie de Hegel (1770-1831) alors dominante en Allemagne et celle des Jeunes Hégéliens (un groupe radical d’étudiants de Hegel).

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Qu’est-ce que le capitalisme ?, extrait de Critique de l’économie politique, une introduction, Michael Heinrich

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Extrait de Critique de l’économie politique, une introduction, Michael Heinrich

Traduit par I.J.

Les sociétés contemporaines sont traversées par de nombreux rapports de domination et d’oppression qui prennent différentes formes. On trouve des rapports de genre asymétriques, des discriminations racistes, d’énormes différences en termes de propriété avec une influence sociale correspondante, des stéréotypes antisémites, la discrimination de certaines orientations sexuelles. Quant à déterminer la manière dont ces rapports de domination s’articulent les uns aux autres et en particulier si l’un d’eux est plus fondamental que les autres, cela a fait l’objet de nombreux débats. Si par la suite les rapports de domination et d’exploitation d’origine économique seront au premier plan, ce n’est pas parce qu’ils seraient les seuls « valides ». Par ailleurs, on ne peut pas parler de tous en même temps. Dans la critique de l’économie politique de Marx, il s’agit en premier lieu des structures de la société capitaliste, c’est pourquoi elles sont au centre de cette Introduction. Pourtant, il ne faudrait pas s’abandonner à l’illusion qu’avec une analyse des fondements du mode de production capitaliste tout soit déjà dit au sujet des sociétés capitalistes.

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Compte rendu: Christophe Darmangeat, Le Profit déchiffré. Trois essais d’économie marxiste, 2016

Un compte rendu de Jean-Guillaume Lanuque (suivi d’un entretien avec Christophe Darmangeat) paru sur le site dissidences

Le premier des trois essais est également le plus long et le plus intéressant. Il est consacré au mystère du profit, ou pourquoi une marchandise réussit à valoir plus que la valeur des éléments qui ont concouru à son élaboration. Débutant par des rappels bien utiles, sur le capital fixe et circulant, sur le salaire direct ou socialisé (à ce sujet, Christophe Darmangeat rejette la distinction illusoire entre cotisations patronales et salariales), il part du postulat selon lequel le profit, sous toutes ses formes, n’est que l’autre nom du revenu de la propriété. Les calculs qu’il propose tendent à évaluer la répartition de la valeur ajoutée, en France, à 75% pour les salaires et 25% pour le profit. Lire la suite

Fiction et idéologie : Marx lecteur des Mystères de Paris, Alice de Charentenay et Anaïs Goudmand, 2014

die heilige familieDans La Sainte Famille, « deux chapitres, le cinquième et le huitième, entièrement écrits par Marx, s’attaquent au critique littéraire Szeliga ; celui-ci, dans les colonnes du journal de Bauer, s’intéresse en effet à toutes les fictions traitant de près ou de loin la question sociale, et à ce titre a écrit quelques pages sur le feuilleton qui a fait fureur en France entre juin 1842 et octobre 1843, et que le Parisien Marx connaît donc bien : Les Mystères de Paris d’Eugène Sue. Marx reprend l’analyse dans La Sainte Famille, afin de la corriger, et surtout la tourne en ridicule, par le biais d’un style satirique bien différent de celui de ses écrits d’économie politique. En réalité, il s’agit de liquider les derniers restes de l’idéalisme hégélien, et de s’en démarquer très nettement, par la négative, en montrant les impasses auxquelles il mène… »

Dans cet article, Alice de Charentay et Anaïs Goudmand reviennent sur la fonction et l’usage des Mystères de Paris d’Eugène Sue dans le pamphlet de 1845, premier texte commun publié de Marx et Engels.

Notes sur le développement de l’œuvre de Marx et son rapport à Hegel, 2020

Résultat de recherche d'images pour "hegel marx"Quelle est la nature du développement conceptuel qui a lieu chez Marx ? Quel est son lien avec la philosophie, notamment la logique, de Hegel ? Que nous dit Marx, de quoi parle-t-il et comment l’expose-t-il ?

L’œuvre de Marx a été interprétée par la social-démocratie de l’Empire, de même que par les partis qui naquirent de la 3ème Internationale, comme un développement plus ou moins linéaire et cumulatif. Le développement de la théorie marxienne est le chemin allant vers la formation de la doctrine finale : la lutte contre des erreurs originelles et les travaux économiques allaient culminer dans le Capital, son zénith et sa fin.

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Karl Marx et la naissance de la société moderne. Entretien avec Michael Heinrich, 2018/2019

Interview with Michael Heinrich | Historical MaterialismEntretien de Michael Heinrich en 20181, publié sur Contretemps lors de la publication en allemand du premier volume de la biographie de référence qu’il consacre à Marx: Karl Marx et la naissance de la société moderne. La traduction de ce premier volume est paru en 2019 aux Éditions sociales2.

Dans cet entretien, Michael Heinrich explique les raisons qui l’ont amené à entreprendre l’écriture d’une nouvelle biographie sur Karl Marx, notamment les limites des biographies existantes. Il expose ses méthodes de travail et de recherche historiques et philologiques. Et il revient surtout sur quelques uns des apports du livre – la conversion du jeune Marx à la philosophie de Hegel, son rapport aux jeunes hégéliens, sa lecture des philosophes antiques, etc. –, ainsi que sur les nouvelles hypothèses de lecture de l’œuvre de Marx qu’il ouvre.

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Dépasser les théories de l’impérialisme : par delà moralisme et économisme – Michael Heinrich [ARTICLE]

Article paru sur le site solitudes intangibles le 24 décembre 2017. L’économisme et la critique moralisatrice se croisent dans les théories de l’impérialisme. Celles-ci ne permettent pas d’analyser le capitalisme mondial.

À une époque où le discours sur la société civile minimise la nocivité du capitalisme et alors que les guerres sont présentées comme des interventions visant à promouvoir les droits de l’homme, le discours se référant à la notion d’impérialisme peut paraître radical. De nombreux ex-gauchistes, ayant entre temps découvert les vertus du marché, ont ainsi abandonné la notion d’impérialisme dans les années 1990. Il ne faut pas pour autant en conclure que s’accrocher aux théories de l’impérialisme nous permettra de mener une critique radicale de l’ordre existant.

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La logique de la guerre, Michael Heinrich [ARTICLE]

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Article paru sur le site de solitudes intangibles le 22 mars 2018.

L’intervention en Irak fut avant tout une frappe préventive contre les rivaux géopolitiques potentiels des États-Unis. Ainsi, au XXIe siècle, l’État national demeure un acteur politique de premier plan. 

Le régime de Sadam Hussein s’est finalement effondré plus rapidement que ne le prédisaient certains. Mais il semble peu probable que débute effectivement pour la population irakienne l’ère de « liberté et de prospérité » promise par George W. Bush. En outre, la fin effective de la guerre semble incertaine. Les menaces américaines contre l’Iran et la Syrie se multiplient. La question des véritables enjeux qui déterminent la politique extérieure américaine au Moyen-Orient reste d’actualité.

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Critique de l’économie politique – Michael Heinrich [ARTICLE]

Paru le 25 septembre 2018 sur le site solitudes intangibles.

Dans ce texte synthétique, Michael Heinrich présente le projet et l’objet de la critique de l’économie politique marxienne, soit une critique du capitalisme comme mode de production caractérisé par la domination impersonnelle de la logique du capital conjuguée à une critique de la science économique bourgeoise comme vecteur essentiel de légitimation et de naturalisation du capitalisme.

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Comment lire le Capital de Marx? Michael Heinrich, Avant-propos

Dans le présent ouvrage, Michael Heinrich développe une approche inédite et éminemment didactique du chef d’œuvre de Marx en offrant aux lecteurs, paragraphe après paragraphe, un commentaire très serré des deux premiers chapitres du Capital, dont la densité de raisonnement et l’importance des fondements conceptuels qu’ils introduisent (travail abstrait, forme-valeur, forme-monnaie, caractère fétiche de la marchandise, etc.) en rendent la lecture souvent ardue. L’auteur répond ainsi à une attente profonde de Marx, qui faisait du mode d’exposition une dimension essentielle de sa méthode. Sans partir d’évidences souvent établies a posteriori, ou de présupposés politiques, ce livre est à ce jour le seul véritable manuel d’exploration scientifique du Capital, dont la lecture doit être concomitante.

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Le pouvoir social de la monnaie, Michael Heinrich, 2002 [ARTICLE]

Article paru sur le site agitationautonome.

Traduction d’un article de Michael Heinrich paru initialement dans le numéro de janvier/février 2002 de Blätter des iz3w Freiburg. L’auteur y traite de la conception marxienne de la monnaie, ce qui est l’occasion d’une confrontation avec la théorie économique néoclassique et la théorie keynésienne. Selon Heinrich, ces deux théories ont le défaut de concevoir la monnaie comme un simple moyen auxiliaire, ce qui les fait passer à côté du pouvoir réel de cette forme sociale particulière.

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La machine à fétiches – Qu’est-ce que la « formule trinitaire du capital » ? – D’après Michael Heinrich

Extraits de Critique de l’économie politique. Une introduction de Michael Heinrich (Kritik der politischen Ökonomie. Eine Einführung, Schmetterling Verlag).

La formule trinitaire du capital permet de relier les phénomènes de fétichisations et de mystifications inhérents au mode de production capitaliste : « Les différentes formes de fétiches et de mystifications […] ne sont pas déliées les unes des autres. Elles constituent un tout dont Marx dresse une esquisse à la fin du troisième livre du Capital. […] Cette formule trinitaire permet d’exprimer l’unité apparente de la valeur avec ses sources » (Michael Heinrich, Kritik der politischen Ökonomie, S.183-185).

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